L’interdiction de voyager récemment annoncée a créé une incertitude chez les employeurs au Canada. L’aperçu suivant donne une orientation en vue d’élaborer une stratégie d’entreprise.

Le 27 janvier 2017, le président Trump a signé un décret intitulé Protecting the Nation from Foreign Terrorist Entry into the United States. Une grande confusion existe quant à la portée de l’interdiction et à son incidence potentielle sur votre entreprise. Au cours des derniers jours, de nombreuses mises à jour et modifications de position ont été faites par le Département d’État américain et le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, notamment en réaction aux poursuites qui ont été intentées. La situation continue de changer. Pour l’heure, nous pouvons vous conseiller sur ce qui suit :


Interdiction de 90 jours d’entrer aux États-Unis imposée à sept nationalités

Le principal élément du décret qui touche les employeurs est le suivant : avec prise d’effet immédiate, les ressortissants de l’Iran, de l’Iraq, de la Libye, de la Somalie, du Soudan, de la Syrie et du Yémen sont frappés d’interdiction d’entrée aux États-Unis, au moins jusqu’au 27 avril 2017. Le fait qu’un ressortissant étranger (c’est-à-dire un citoyen non américain) soit né dans l’un de ces sept pays constitue, aux yeux du gouvernement américain, une preuve suffisante que cette personne est un ressortissant de ce pays. Le ressortissant étranger n’a pas à détenir un passeport valide de l’un de ces pays ciblés par l’interdiction.

Ce décret s’applique-t-il aux détenteurs de carte verte des États-Unis?

L’interdiction s’applique aux non-immigrants (comme les visiteurs qui se déplacent pour affaires et les détenteurs de permis de travail), aux demandeurs d’ajustement de statut avec une permission d’entrée, aux ressortissants étrangers qui détiennent un visa d’immigrant américain et aux résidents permanents légitimes américains (les détenteurs de carte verte).

On a beaucoup débattu de la question de savoir si les détenteurs de carte verte continueront d’être visés par l’interdiction. Initialement, l’administration Trump insistait sur le fait que les détenteurs de carte verte des États-Unis étaient visés par l’interdiction et devront demander une dispense spéciale au titre de l’intérêt national pour entrer aux États-Unis. Toutefois, le secrétaire américain à la Sécurité intérieure a déclaré officiellement que l’admission des détenteurs de carte verte des États-Unis était dans l’intérêt national. Par conséquent, les détenteurs de carte verte des États-Unis devraient avoir une certaine assurance qu’ils seront admis aux États-Unis, malgré l’interdiction. Cela ne signifie pas, cependant, qu’ils ne seront pas soumis à un interrogatoire corsé ni placés en détention.

Le décret s’applique-t-il aux ressortissants ayant une double nationalité et aux résidents permanents canadiens?

Une simple lecture du décret de même que les déclarations subséquentes du Département d’État ont laissé entendre que l’interdiction s’appliquerait aux ressortissants ayant une double nationalité (par exemple à un Irano-canadien, à un Irako-britannique ou à un Franco-syrien). Ainsi, un citoyen canadien né dans l’un de ces sept pays serait frappé par l’interdiction d’entrée aux États-Unis pendant la durée de l’interdiction.

Néanmoins, l’opinion du conseiller à la sécurité nationale des États-Unis contredit directement ce que le Département d’État américain a affiché officiellement sur son site Web. Le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis a informé le bureau du premier ministre que les ressortissants ayant une double nationalité ne sont pas visés par l’interdiction. De plus, le ministre canadien de l’Immigration, Ahmed Hussen, a affirmé, au cours d’une conférence de presse, que les citoyens canadiens, y compris les ressortissants ayant une double nationalité, ne seront pas frappés d’interdiction d’entrée. Il a aussi affirmé que l’interdiction ne visera pas les résidents permanents canadiens qui sont des ressortissants de l’un de ces sept pays.

Les affirmations du ministre relativement aux citoyens canadiens ayant une double nationalité sont rassurantes. Toutefois, elles n’ont pas force de loi aux États-Unis.

Également, nous avons confirmé auprès de la US Customs & Border Protection de l’aéroport Pearson que les détenteurs de passeport canadien nés dans l’un des sept pays ne seront pas frappés de l’interdiction d’entrée aux États-Unis. Cependant, on nous a dit que ces personnes pourraient être soumises à un examen approfondi.

Le site Web du Département d’État américain n’a pas été mis à jour afin de confirmer que les ressortissants ayant une double nationalité et les résidents permanents canadiens ne sont pas frappés d’interdiction d’entrée aux États-Unis. Nous osons croire que le site Web sera mis à jour au cours des prochains jours. Il n’existe actuellement aucun document écrit confirmant cette exemption sur lequel un voyageur canadien ou une entreprise canadienne peut s’appuyer. Cela signifie que chaque agent d’immigration et chaque aéroport sont libres d’user de leur pouvoir discrétionnaire et qu’ils peuvent tirer leurs propres conclusions.

À moins de déclaration officielle semblable à celle qui a été faite relativement aux détenteurs de carte verte des États-Unis, les Canadiens ayant une double nationalité et les résidents permanents canadiens ne devraient pas présumer qu’ils seront admis aux États-Unis sans problème.

En termes pratiques, que peut-il arriver lorsque des ressortissants des sept pays voyagent aux États-Unis?

Que les ressortissants ayant une double nationalité, les résidents permanents canadiens et les détenteurs de carte verte des États-Unis aient droit d’entrée ou non aux États-Unis, il est certain que toute personne ayant un lien avec l’un de ces sept pays subira un examen et que les agents américains auront le pouvoir discrétionnaire de détenir ces personnes ou de leur refuser l’entrée sur le territoire américain. L’interrogatoire pourrait être corsé, serré et long.

Depuis l’entrée en vigueur de l’interdiction, nous communiquons sur une base continue avec plusieurs organisations juridiques et organismes gouvernementaux. Il y a eu des cas où des ressortissants ayant une double nationalité ont été détenus pendant plusieurs heures pour subir un interrogatoire.

Est-il possible que d’autres pays s’ajoutent à la liste des nationalités interdites et se peut-il que la date du moratoire change?

Oui, au cours des prochains mois, d’autres pays pourraient s’ajouter à la liste des nationalités interdites. De plus, il est possible que la date du 27 avril 2017 soit prorogée.

Nos recommandations

Il est important que les employeurs soutiennent les employés qui pourraient être touchés par cette interdiction. Voici ce que nous recommandons :

  • Les employés qui sont des ressortissants de l’un des pays visés par l’interdiction et qui sont aux États-Unis actuellement en tant que non-immigrants et demandeurs d’ajustement de statut devraient éviter les déplacements internationaux pendant la durée de l’interdiction. S’ils sont aux États-Unis, ils devraient y rester puisqu’ils ne seront peut-être pas autorisés à entrer de nouveau aux États-Unis.
  • Les employés qui sont des ressortissants de l’un des pays visés par l’interdiction et qui se trouvent actuellement à l’extérieur des États-Unis devraient éviter de se rendre aux États-Unis pendant la durée de l’interdiction.
  • Les employés touchés qui prévoient des déplacements futurs aux États-Unis devraient s’attendre à la possibilité d’un prolongement de l’interdiction d’entrée au-delà du 27 avril 2017. Aucun déplacement vers les États-Unis ne devrait être planifié jusqu’à ce qu’on annonce officiellement que cette interdiction ne sera pas prolongée.
  • Les employeurs devraient s’attendre à de possibles retards dans les déplacements des employés qui ne sont pas visés par l’interdiction d’entrée mais qui présentent des demandes de visa américain aux ambassades et aux consultats, étant donné que ces bureaux auront davantage de cas à traiter en raison de l’incidence de certaines autres modalités du décret.
  • Même si les ressortissants ayant une double nationalité, les résidents permanents canadiens et les résidents permanents américains seront probablement exemptés de l’interdiction d’entrée, ils ne seront pas exemptés d’un contrôle accru. Les questions porteront notamment sur leurs liens avec leur pays d’origine et des organisations terroristes, et sur leur sympathie à leur égard, ainsi que sur leur engagement auprès de la communauté et dans des activités musulmanes au Canada. Puisque l’interrogatoire pourrait s’avéré corsé, long, traumatisant, démoralisant et potentiellement perçu comme de la discrimination fondée sur la religion et l’origine (une discrimination que leur employeur pourrait avoir sciemment permise), nous recommandons que les employés originaires de l’un de ces sept pays ne soient pas enjoints à voyager aux États-Unis, ni contraints de le faire. Nous vous conseillons de respecter et de soutenir les employés qui refusent de se rendre aux États-Unis pendant cette période. Du point de vue des employés qui sont touchés par l’interdiction, la question ne se limite pas qu’à un déplacement aux États-Unis pour un voyage d’affaires : la question prend aussi des dimensions sociale, familiale, morale, religieuse et politique.
  • Les employeurs ne devraient pas être surpris si des employés originaires de pays à majorité musulmane non visés par l’interdiction démontrent aussi une hésitation ou une réticence à voyager aux États-Unis.
  • Pour la prochaine semaine au moins, nous recommandons que les employés qui sont des ressortissants de l’un des pays visés par l’interdiction, qu’ils aient ou non une double nationalité et leur statut de résident permanent, s’abstiennent de se rendre aux États-Unis ou d’en sortir, jusqu’à ce que le Département d’État émette des lignes directrices fermes et cohérentes et que nous soyons en mesure de déterminer comment ces règles sont appliquées de façon concrète.
  • Si des employés qui sont des ressortissants de l’un des pays visés par l’interdiction doivent se déplacer aux États-Unis en avion, ils devraient passer par un aéroport canadien d’importance qui offre des services d’inspection prévol américaine. Cela leur permettra de retirer plus aisément leur demande d’admission aux États-Unis et de demeurer au Canada s’ils se sentent mal à l’aise pendant un interrogatoire serré potentiel. Nous estimons aussi que le contrôle accru à l’inspection prévol américaine effectué au Canada pourrait être moins corsé que s’il était réalisé aux États-Unis.
  • Étant donné que les employeurs ne cherchent pas à connaître le pays de naissance de leurs employés, il est très difficile d’identifier le groupe d’employés touchés par l’interdiction. Par conséquent, nous recommandons qu’un courriel soit diffusé à grande échelle ou qu’un message soit affiché sur votre site intranet pour informer les employés et, partant, les directeurs, de la position de l’entreprise relativement aux déplacements aux États-Unis durant cette période. Nous encourageons cette approche de manière à ce que votre entreprise soit perçue comme étant proactive à l’égard de cette question très sensible. De plus, vous limiterez les différends potentiels sur la question des déplacements. Cette approche vise non seulement à assurer que les directeurs ne contraignent pas les employés à voyager, mais aussi à envoyer un message de soutien aux employés qui sont touchés directement, indirectement ou émotivement par l’interdiction.

Au fur et à mesure que la situation évoluera, nous vous fournirons des mises à jour et des recommandations. Notre équipe nationale est à votre disposition pour aider votre entreprise à concevoir sa politique et ses communications, ainsi que pour vous prêter main-forte si vos employés sont confrontés à des difficultés lors de leurs déplacements.



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